Travailler le sol en hiver ?
Xavier Mathias et Les Cahiers du Potager Bio nous raconte
Travailler le sol en hiver ?
Traditionnellement, l'hiver marque la fin des travaux au jardin, le signal de repos pour tout le monde. Cependant, pour être plus précis, il faudrait écrire « la fin de presque tous les travaux », tant il en est un dont l'usage à travers les siècles perdure, malgré l'intense effort physique qu'il occasionne : le bêchage, ou son équivalent mécanisé, le labour. De ce travail, qui est la façon la plus importante que l'on pratique sur son sol, dépend le reste de la saison à venir. Pourtant, des gestes aussi simples et couramment effectués que bêcher ou labourer sont de plus en plus souvent remis en question par de nombreux agronomes, partisans de techniques plus douces. Je n'ai pas la compétence de trancher dans ce débat des plus vifs tant il remet en question les fondements millénaires de l'agriculture. Mon souhait est de vous proposer un aperçu des différentes possibilités, avec leurs avantages et inconvénients réciproques.
Le bêchage avec retournement de sol
C'est la pratique la plus courante dans nos potagers, et paradoxalement la plus contestée. On lui reproche un trop fort bouleversement du sol : le bêchage remontant la couche inférieure - un milieu anaérobie, c'est-à-dire vivant sans presque aucune pénétration d'air - à la place du milieu aérobie, fortement oxygéné. Cet effet est bien sur indéniable, au jardinier d'être raisonnable. Ce travail, qu'il s'effectue manuellement, mais surtout mécaniquement au motoculteur ou avec le tracteur d'un voisin agriculteur, doit malgré la tentation que procure la puissance des engins motorisés, rester raisonnable. Il est risqué et inutile de labourer à plus de 30cm de profondeur. Le bouleversement des couches, le risque de remonter des argiles, de heurter de gros blocs de pierre étant trop important.
Cette méthode, pratiquée à bon escient n'est pas sans de nombreux avantages. Travaillé relativement profond, votre sol est décompacté, particulièrement les allées séparant les rangs, soumises aux passages du jardinier. Effectué à grosses mottes avant l'hiver sur les terres lourdes et argileuses, il permet de laisser le temps au gel de faire le travail le plus délicat : l'émiettage.
Il offre également la possibilité d'enfouir rapidement avant la mise en culture soient des amendements (fumiers, compost etc.) soient les déchets des récoltes précédentes. Cependant, si il n'est pas rapidement suivi d'un semis, il aura le défaut de laisser votre terre à nue, donc plus sensible au lessivage hivernal.
C'est également une technique pour les terrains restés « sales ». La fatigue des fins de saison, parfois le ras-le-bol, le manque de temps ou tout simplement un automne pluvieux, et en quelques semaines, les herbes folles reprennent leurs droits et déploient des trésors de vitalité pour se réimplanter. Dans ces circonstances, le labour de surface est une réponse appropriée à ces velléités de résistance.
Le bêchage sans retournement de sol
C'est la méthode reine en agriculture biologique. Mécanisée pour les surfaces importantes (sous-soleuse, « dents Michel », « actisol » etc.) elle est néanmoins faisable dans tous les jardins avec une simple bêche plate ou à dents. Cependant, je tiens à préciser que des outils adaptés existent : la « Grelinette », ou « l'aérabêche ».
Je ne vais pas m'attarder sur un outil dont Sébastien avait vanté les mérites dans un ancien n° des Cahiers. Cependant, il n'est pas inutile de reparler des nombreux avantages qu'offre cette pratique.
Juste remuée en profondeur, la terre ne subit aucun retournement, et par voie de conséquence aucun bouleversement important. Les couches ne sont pas mélangées. La faune microscopique à la base de la vie du sol ne subit quasiment aucun dérangement. Elle peut ainsi continuer son petit bonhomme de chemin de transformation et d'amélioration du sol.
L'horizon supérieur, le plus riche en matière organique n'est pas mélangé aux horizons inférieurs, ce qui induirait une dilution des éléments nutritifs. Sans compter le risque toujours présent, même à des profondeurs raisonnables, de ramener à la surface ces fameuses argiles lourdes, ou tout simplement une quantité importante de pierres pour les terrains dont le sous-sol proche est caillouteux.
Santé oblige, on ne peut passer sur le fait que cette technique sans retournement est beaucoup moins fatigante que le classique bêchage. Pour un effet d'aération et de décompactage équivalent, le temps à passer est nettement moins important. L'effort à proprement parler beaucoup plus facile à fournir.
Attention néanmoins, l'aérabêche ou la grelinette ne permettent pas d'enfouir rapidement les restes de culture, engrais verts ou amendements. Après ce premier travail de décompactage, un passage au croc sera nécessaire pour faire ce travail d'enfouissement, suivi d'un deuxième, au croc de nouveau ou au râteau pour affiner, émietter la surface.
Les méthodes sans labour ni bêchage.
De plus en plus pratiquées, en grandes cultures céréalières notamment, ces techniques semblent idéales d'un point de vue pédologique. L'idée simple et pourtant révolutionnaire, est qu'un terrain pour qu'il soit dans les meilleures conditions possibles ne doit être travaillé qu'au minimum. La nature nous en faisant elle-même la démonstration : les meilleurs sols sont ceux des forêts. Jamais retournés, jamais tassés par un quelconque cultivateur. Il est maintenu couvert en permanence par les déchets végétaux : feuilles mortes, écorces, résidus de bois morts, cadavres en décomposition etc. Il est alors soumis à une intense vie animale et bactérienne de transformation de cette énorme masse de matière.
Il faut donc en faire de même dans son jardin... Idée plus simple à émettre qu'à concrétiser !
Couvrir le sol : vivent les engrais verts
La première question qui se pose quand on évoque l'idée d'abandonner le traditionnel bêchage est comment ameublir le terrain, forcément soumis au tassement par le simple fait de cultiver ? Ensuite, dans la logique de ce questionnement, on peut légitiment se demander comment éviter que sans ce travail de fond, l'herbe ne réhenvahisse notre carré si soigneusement entretenu ? La réponse théorique est simple, et une fois de plus il fait se référer aux milieux que nous connaissons. Une forêt développée n'est pas envahie : la place est déjà occupée.
C'est ce à quoi il faudrait arriver dans nos jardi